Happy Colors
Prenons l’échelle. Montons dans l’atelier du peintre, du dessinateur, de l’estampeur, du sérigraphe, du lithographe. Multiplicité des techniques, au service d’un ars multiple.
Un point commun avec l’atelier du bas : la minutie, la rigueur, la recherche de la finesse et de la précision.
Il y a d’abord l’abstraction. Le motif et la répétition frappent l’œil en premier : les motifs infinis et infiniment différents, les formes géométriques, symétriques, systématiques, mais variées, s’enchaînent et se juxtaposent. Immédiatement après, le travail des couleurs flatte la rétine. II se dégage la recherche de la nuance dans les bleus, du plus pâle au plus soutenu, céruléens, et qui apportent apaisement et protection dans les “Blues shields”, ces boucliers tribaux, grigris porte-bonheur, gardiens de la paix. On est ravi par l’aspect joyeux, chamarré, vivant des “Happy Colors” et des “Fabricks” et par le rouge puissant des “Red builds”, leur matière riche.
L’abstraction, c’est encore l’ars, la technique, le geste de la main, le travail exutoire, l’inconscient, le subconscient ou même le “ça” qui s’exprime à la pointe du stylo, quand le cerveau reptilien, pris au piège de la réalité, s’ennuie ou s’agace. Ce geste, cette danse du poignet, c’est le délassement nécessaire, le besoin de poser sur le papier les nœuds qui se forment sous un crâne. Quand le machinal gagne et que l’on a un papier et un crayon, chacun l’a déjà vécu, quand il téléphone ou quand il assiste à une réunion trop longue, on gribouille. Mais la main et le talent de l’artiste travaillent avec rigueur, avec le souvenir et avec l’héritage de siècles de pratique artistique : les carnets de Pierre en sont plein, déjà presque aboutis, presque à l’état de tableau. “L’artiste est la main qui par l’usage convenable de telle ou telle touche met l’âme humaine en vibration.” écrit Wassily Kandinsky, inventeur de l’abstraction.
L’abstraction est-elle d’ailleurs le mot ? Plus on regarde et plus on voit des figures et des visages, un art premier, des tikis polynésiens, des fétiches, des symboles, des logos, des mondes de signes, signifiants.”
Abstraction, 2023, Céline Durupthy